Depuis la mi-2016, au moins cinq provinces du Grand Kasaï (Kasaï central, Kasaï oriental, Lomami, Sankuru et Kasaï), une région centrale de la République Démocratique du Congo, se trouvent déchirées entre les forces armées du gouvernement et celles de la milice de Kamwina Nsapu, tué en août 2016 lors d’une opération des forces de l’ordre.
Après l’assassinat du chef local Kamuina Nsapu par des troupes gouvernementales en août de l’année dernière, la milice rebelle se forme pour lutter contre la main-mise du gouvernement dans la région Kasai. Depuis janvier 2017, ce conflit s’est étendu progressivement aux neuf secteurs du territoire de Tshikapa, avec de véritables massacres sur les territoires de Tshikapa et Luebo. Cette situation a affecté environ 707 villages disséminés dans tous les cinq territoires dont 105 villages incendiés selon les statistiques provisoires de services de la Direction Provinciale de la Santé. Il en résulte un impact affectant plusieurs secteurs vitaux ainsi que les institutions publiques et privées.
Le fait que le président Joseph Kabila refuse depuis des mois de rendre le pouvoir aprés deux mandats, comme l’exige la loi, ne fait que renforcer le conflit dans la durée. Une nouvelle guerre civile s’annonce.
Selon les sources officielles du gouvernement de la République démocratique du Congo, ces violences ont coûté la vie à plusieurs centaines de personnes, dont près de 200 policiers et militaires, depuis le début des affrontements. La réalité semble pourtant bien plus meurtrière. Si on en croit les estimations de l’église catholique, environ 3400 personnes ont trouvé la mort dans les huit derniers mois. Dans son dernier rapport, l’ONU a dénombré plus d’ 1,5 million d’enfants affectés par les violences. Les combats ont également entraîné le déplacement massif de personnes vers la frontière angolaise. Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU, 1,3 million de personnes ont dû quitter les provinces du Kasaï depuis août 2016, parmi lesquelles plus de 600.000 enfants, selon l’Unicef. L’ONU évoque de nombreux blessés qui se font soigner en Angola. L’Angola demande assistance à la communauté internationale. D’après les ONG nationales et internationales, des crimes contre l’humanité sont perpétrés des deux côtés des affrontements. Mais en fin de compte, c’est le peuple qui souffre le plus.
En l’absence de structures d’accueil officielles, les déplacés, fuyant les atrocités perpétrées par les miliciens, reconnaissables à leur front ceint d’un bandeau rouge, trouvent refuge dans des églises et chez des habitants. Ils sont affamés et dépourvus de tout. (d’aprés Le Monde)
Il a fallu que six envoyés spéciaux de l’ONU, qui voulaient enquêter sur les crimes humanitaires de la région Kasai, soient kidnappés puis tués, pour que la communauté internationale s’intéresse à la situation du Congo. L’assassinat d’une suédoise et d’un américain avait suscité une vive réaction dans le monde entier.
Le domaine de la sécurité alimentaire est le plus touché par le conflit. La disponibilité et l’accessibilité aux aliments sains, propres et justement répartis diminue quotidiennement du fait de la démobilisation des ménages agricoles et des organisations paysannes allant parfois jusqu’à l’abandon des champs pour la récolte. Associée à une insécurité croissante tant sur les voies de ravitaillement que sur les marchés, les conflits armés déchirant la région laissent planer la crainte d’une future crise alimentaire qui toucherait près de 833 000 de personnes.
Au milieu de ces violences, le champ de notre partenaire, Dieudonné Lovua Mujito, responsable du convivium Slow Food de Tshikapa-Kiongeka, semble avoir été miraculeusement épargné. Cependant, les villageois travaillant sur le champ n’ont pas osé s’y rendre lorsque la milice opérait non loin du village. Si bien sûr, les récoltes du champ ne peuvent en aucun cas suffire à couvrir les besoins de 55 852 déplacés identifiés à ce jour à Tshikapa, l’agriculture locale et solidaire à petite échelle pourrait idéalement permettre à la population de s’assurer une certaine autonomie par rapport au rationnement des denrées alimentaires.
“Les jardins potagers et communautaires exploités étant abandonnés dans leur ensemble et la saison culturale B/2017 perdue, il y a des risques que la saison A/2017 soit compromise aussi” nous confie Dieudonné.
Nos partenaires en République démocratique du Congo décrivent une insécurité générale. C’est seulement une fois qu’on aura pourvu à l’essentiel, que des mesures durables pourront être prises sur le long terme – selon les possibilités temporaires et spatiales.
Lire plus sur les conflits armés en République Démocratique du Congo:
Fluchtgrund – site en allemand
La chronologie du conflit en République démocratique du Congo – 20minutes
Au Kasaï, un conflit coutumier qui dégénère en sale guerre – Le Monde
RDC: Comprendre la spirale de la violence au Kasai – Afrikarabia